mardi 11 novembre 2014

Introduction à la neuroéconomie (MOOC)

Introduction à la neuroéconomie (MOOC)

Ayant pour titre complet Introduction à la neuroéconomie : comment le cerveau prend des décisions, ce cours accessible via la plateforme Coursera se situe à la convergence de l’économie, de la psychologie et des neurosciences. Il est présenté en anglais par Vasily Klucharev de l’École des hautes études en sciences économiques de Moscou.

Présentation


Le cours est divisé en quatre modules d’une durée de deux ou trois semaines : comment le cerveau travaille (anatomie et fonctions du cerveau), comment le cerveau décide (modèles cérébraux de la prise de décision et du choix, représentation neuronale de la valeur subjective, noyaux gris centraux et valeur de choix), comment le cerveau ressent (mécanismes affectifs de la prise de décision, théorie de la prise de décision à double processus, prise de décision en situation de risque), et la société de cerveaux (le cerveau social, adoption d’une perspective évolutive avec l’animal économique).

Le cours dans son ensemble se dirige vers des niveaux plus élevés de complexité, présentant les principaux facteurs qui influent sur nos décisions de l’activité de neurones uniques à celles des régions cervicales, des fonctions comme la cognition ou l’émotion jusqu’à la société et la biosphère.

Le contenu de chaque semaine consiste en environ cinq vidéo de 8 à 10 minutes de durée et d’un questionnaire consécutif de cinq questions. Pendant chaque vidéo, il est aussi demandé de répondre à une question qui ne compte pas pour la note finale. Les notes de la leçon sont téléchargeables au format pdf.

Comme il n’y a pas de questionnaire après chaque vidéo, la question posée en cours de vidéo permet à l’apprenant de rester attentif au contenu de celle-ci, même si son apparition est parfois perturbatrice tandis que la vidéo joue (un indicateur visuel sur la timeline de la vidéo indique cependant quand cette interruption va avoir lieu).

Chaque cours (ou semaine) se termine par un questionnaire de cinq questions. Elles comptent pour 45% de la note finale. L’examen final, qui ne peut être passé qu’une seule fois, compte pour 55%. Pour réussir le cours, il faut obtenir au moins 60% des points, et 80% pour obtenir une mention.

Notes et réflexions


  • En étudiant quand une décision est prise au niveau du neurone via son activité électrique avant même que le niveau de conscience ne soit atteint, de nombreuses expériences illustrant ce cours posent des questions très profondes sur la conscience elle-même et le libre arbitre. Le substrat biologique et physique de notre conscience ne fait rien d’autre de nous que des robots biologiques gouvernés par des algorithmes que nous essayons de comprendre.
  • Mais au-delà des questions philosophiques soulevées, nous pouvons mieux comprendre, par exemple par l’utilisation de l’IRM fonctionnel, comment créer des interfaces qui répondent mieux aux besoins de nos utilisateurs (ou quand les neurosciences rencontrent l’expérience utilisateur). Cette branche du neuromarketing est riche de possibilités, comme nous pouvons le voir sur le blog de Marc Van Rymenant, où l’A/B testing est poussé dans ses retranchements (aussi longtemps que les considérations éthiques ne sont pas oubliées).
  • Pour aller plus loin dans le domaine du marketing, voici une information à laquelle réfléchir. Le système de la dopamine, ou système de récompense, est lié à l’utilité prédite. Il libère plus de dopamine, l’hormone du bien-être, et donne donc plus de valeur aux marques associées avec les concepts de richesse et de dominance sociale. Il peut aussi être entraîné en associant des marques avec des situations spécifiques pour renforcer cette relation. C’est pourquoi le placement de produit est tellement omniprésent dans les films. Pensez au dernier James Bond : Audi, Beetle, Heineken, Jaguar, le whisky Macallan, les montres Omega, Sony Vaio… Ces marques veulent toutes une part du gâteau de notre système de valeur cervical, même celles (pas encore) associées au luxe (Heineken, vraiment ?). N’oubliez pas que le système de la dopamine calcule l’utilité anticipée et rappelée, alors si le produit derrière la marque ne correspond pas à cette valeur de marque, c’est celle-ci qui est dévaluée.
  • Habituellement, des décisions rapides et optimales peuvent être prises en suivant nos émotions : les émotions sont des heuristiques.
  • Nous pouvons recâbler notre cerveau en reliant consciemment un aspect du symbole de récompense à quelque-chose à la fois calme et sans relation comme les vagues de l’océan ou le vent dans une forêt. Cette autorégulation brise le stimulus alimenté par le nucleus accumbens (qui calcule l’espérance de gain) en donnant la main au cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC) pour contrecarrer le pouvoir des émotions. Par ailleurs, plus le DLPFC est actif, plus la portion ventromédiale du cortex orbitofrontal (vmOFC) est inactive.
  • Situation de compétition dans le cerveau. Deux systèmes tournent en parallèle pour prendre une décision : l’intuition (rapide, parallèle, automatique, sans effort, associative, d’apprentissage lent, émotionnelle) et le raisonnement (lent, sériel, contrôlé, nécessitant des efforts, piloté par des règles, flexible, neutre). Curieusement, les décisions prises en suivant l’intuition mènent à de meilleures décisions (dans le sens où elles apportent plus de satisfaction sur une certaine période de temps). Nous prenons nos décisions de manière émotionnelle, puis nous ajoutons une couche argumentative pour nous prouver que nous avons pris la bonne. Si nous pensons trop à une décision donnée, les émotions court-circuitées reviennent à la charge puisque nous ne sommes plus satisfaits au bout du compte.
  • Mais le système de l’intuition préfère de petits résultats immédiats, alors que le système raisonné préfère des résultats plus importants, même s’ils sont obtenus plus tard (question de la remise temporelle : est-ce que vous préférez 10 euros aujourd’hui ou 11 demain ?, travailler après le lycée ou aller à l’université ?, économiser pour votre retraite ou dépenser votre argent tout de suite ?).
  • Théorie des perspectives : nous surestimons les petites probabilités et sous-estimons les grandes probabilités, ce qui explique (en partie) pourquoi nous continuons à jouer au loto.
  • La fonction de valeur est asymétrique, puisque nous ressentons moins de plaisir à gagner une certaine somme d’argent que de peine à perdre la même somme.
  • L’effet de formulation ou le cadrage : des options formulées différemment changent le comportement du sujet. Nous présentons une aversion au risque dans le domaine du gain, et une propension au risque dans le domaine de la perte. En d’autres mots, nous choisissons l’option la plus sûre dans une formulation de gain et l’option de pari dans une formulation de perte. Si vous proposez deux alternatives, celle que vous voulez être choisie doit être présentée comme positive (le nombre de personnes sauvées ou la probabilité de les sauver dans le problème de l’épidémie asiatique).
  • Le cortex insulaire (anterior insula) est impliqué dans le traitement du risque émotionnel, et le cortex cingulaire dorsal (dACC) dans le traitement du risque cognitif. Le ventral striatum (NAcc, nucleus accumbens) contribue à l’approche du risque (recherche de risque), et l’amygdale module le comportement de prise de risque en implémentant le cadrage cognitif (évitement du risque). Toutes ces informations affectent le DLPFC qui finalise le processus de décision.
  • Leçon de la théorie des jeux : la stratégie coopération-réciprocité-pardon (CRP, ou tit for tat en anglais) s’avère plus performante que toutes les autres stratégies dans un groupe (dilemme du prisonnier). D’abord coopérer, puis agir de la même façon que l’autre joueur au tour précédent (soit coopérer, soit faire défection). Un groupe de coopérants est toujours plus performant qu’un groupe de dissidents, même si un individu dissident est plus performant qu’un autre individu dans le groupe. Ne pas oublier non plus le paramètre de l’ombre du futur : plus la probabilité pour les joueurs de se rencontrer de nouveau dans le futur est élevée, plus ils doivent coopérer.
  • La coopération mutuelle est associée avec une activation conséquente des zones du cerveau liées à la valeur subjective (nucleus accumbens, cortex orbitofrontal) et nous nous sentons mieux lorsqu’on coopère, alors qu’une coopération sans réciprocité active le cortex insulaire et est aversive (un effet qui peut être déclenché en utilisant de l’oxytocine, une hormone peptidique qui court-circuite l’amygdale et augmente la confiance entre les individus). En d’autres mots, nous sommes câblés pour la coopération.
  • Comment détecter les intentions des autres joueurs ? Le mécanisme du neurone miroir fait tourner une simulation interne des émotions perçues des autres.
  • Les joueurs dont on observe une attitude fair play sont préférés aux autres (plus agréables, plaisants, aimables et attractifs). Mais les joueurs déloyaux provoquent du plaisir lors de leur punition (une douleur simulée observée), particulièrement chez les hommes. Comme un unique dissident peut briser la coopération d’un groupe, ils doivent être punis pour maintenir cette coopération au sein du groupe (punition altruiste, en ce sens qu’elle coûte à l’exécuteur qui n’y gagne rien). Notre cerveau a évolué par sélection naturelle pour optimiser nos décisions dans un contexte social très complexe. C’est pourquoi les activités comportementales des régions clés du cerveau pour ce qui est de la prise de décision sont fortement modulées par ce contexte social spécifique.
  • La coopération a une origine ontogénétique et évolutive : les petits humains, chimpanzés et autres grands singes coopèrent de façon naturelle. Mais les chimpanzés préfèrent jouer seuls alors que les enfants de trois ans sont plus coopératifs.
  • Théorie de marché biologique : les poissons-nettoyeurs en station et avec leurs clients errants (ils peuvent changer de station) ou résidents (ils restent au même endroit), prédateurs (s’ils se sentent spoliés, ils peuvent manger leur nettoyeur) ou non (pas de représailles possibles). Les clients errants sont servis les premiers, et on ne triche pas avec les prédateurs : la coopération dans la nature correspond aux attentes de la théorie de marché.
  • La loi de l’offre et de la demande chez les babouins : les femelles sans enfant épouillent celles qui en ont pour interagir avec leur bébé. L’offre se mesure en temps passé avec l’enfant, tandis que le prix se compte en temps d’épouillage. Moins il y a de petits dans le groupe, plus le temps d’épouillage requis pour y avoir accès augmente (la théorie du marché prédit le comportement animal). En d’autres mots, l’échange de marchandises dans des groupes de primates est une négociation sur un marché avec des taux de change fluctuants d’un jour à l’autre en fonction de l’offre et de la demande.
  • Les singes capucins se comportent comme les humains sur les marchés monétaires lorsqu’ils échangent des jetons monétaires contre des biens. Ils partagent avec nous les mêmes biais fondamentaux, comme le cadrage cognitif (les paris sont évalués en terme de points de référence arbitraires) ou l’aversion à la dépossession (la sur-évaluation d’objets que nous possédons par rapport à ceux que nous ne possédons pas). Ils sont aussi aversifs à l’injustice puisqu’ils rejettent l’inégalité des salaires. Ils se sont séparés des humains sur l’arbre de l’évolution il y a environ 35 millions d’années, mais nous partageons cet héritage de l’évolution qui nous a programmé.

En manière de conclusion


J’ai suivi ce cours par curiosité afin de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et avoir un aperçu du neuromarketing. Cependant, ce cours a été beaucoup plus loin qu’une quelconque utilité directe escomptée, puisqu’il soulève des questions profondes sur la façon dont l’évolution et la biologie gouvernent nos stratégies, profondément enracinées dans nos circuits neuronaux. Il est donc très intéressant à suivre, avec de nombreuses expériences et publications scientifiques dans lesquelles se plonger, et sa multidisciplinarité éclaire le sujet de nombreux points de vue, tous aussi passionnants les uns que les autres.

Suggestions de lecture


Neuroéconomie

Neuroéconomie, par Christian Schmidt, Odile Jacob (2010)
Neuroeconomics: Decision Making and the Brain

Neuroeconomics: Decision Making and the Brain, Academic Press (2013)


Introduction to Neuroeconomics (MOOC) (en anglais)
Introducción a la neuroeconomía (MOOC) (en espagnol)
Introdução à neuroeconomia (MOOC) (en portugais)

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